L'ancienne prison de Meaux avant reconversion

Sophie de Moustier
Avant que l’ancienne prison de Meaux ne s’apprête à faire peau neuve, la Région a enregistré la mémoire de cet édifice.

Dans un recoin de la place Henri-IV, en plein centre de Meaux (Seine-et-Marne), un bâtiment très secret se cache derrière un haut mur de meulière : c’est l’ancienne maison d’arrêt, aujourd’hui désaffectée depuis le transfert des prisonniers dans le centre pénitentiaire de Chauconin en janvier 2005. Cet édifice imposant est promis à un bel avenir : il sera transformé en centre culturel. De la musique et du théâtre dans les anciennes cellules…
En attendant sa reconversion, une campagne photographique et une étude historique ont été  menées en 2011 par le service Patrimoines et Inventaire d’Île-de-France pour mettre en valeur l’intérêt patrimonial de cette prison, particulièrement représentative de son époque.  

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la prison de Meaux se trouvait dans l’ancien palais des comtes de Champagne, aujourd’hui disparu et remplacé par l’hôtel de ville. Ce château, qui remontait en partie au Moyen Âge, était alors en très mauvais état. Des crevasses étaient notamment apparues en 1853, du côté de la rivière. Après discussion, on décida finalement d’abandonner ce site pour construire une prison ex nihilo dans le faubourg Saint-Nicolas.

La nouvelle maison d’arrêt a donc été édifiée de 1854 à 1857 sur les plans de l’architecte départemental Ernest Mangeon. Elle s’inscrit dans le cadre des nombreuses constructions carcérales du Second Empire : entre 1853 et 1863, 48 prisons départementales ont été élevées. Bien que répondant à un programme normatif, ces établissements ne sont pas tous identiques et présentent même une grande variété de plans. Mangeon a privilégié, dans ses maisons d’arrêt, une disposition « en nef » ; la maison d’arrêt de Meaux est d’ailleurs très proche de celles de Coulommiers et de Fontainebleau, qu’il a conçues au même moment.

L’édifice a été construit en meulière, une pierre caverneuse de couleur brune, très abondante en Île-de-France. Ce matériau présente de grandes qualités d’isolation thermique. L’architecte a par ailleurs joué de sa couleur pour animer les façades, en rehaussant la teinte naturelle de la pierre par des joints en mortier de tuileau, de teinte rosée.

A l’intérieur, un vaste espace de circulation central gouverne les quatre niveaux de la maison d’arrêt (dont trois étages de cellules). Cette grande nef s’achève à l’est et à l’ouest par deux sortes d’absides arrondies. Celle placée au bout du bâtiment permettait de surveiller à la fois l’ensemble des cellules et les « préaux » (cours de promenade) disposés en camembert dans la cour orientale. C’est l’application du principe « panoptique » caractéristique de l’architecture carcérale de cette époque : un seul lieu d’observation doit permettre de contrôler l’ensemble de la prison.

Par ailleurs, le projet architectural avait été initialement conçu en vertu du principe cellulaire ; mais Mangeon dut le revoir à la suite de l’abandon de ce dernier en 1853. De vifs débats ont opposé tout au long du XIXe siècle les partisans d’un encellulement individuel, beaucoup plus coûteux en termes de construction, à ceux d’un régime plus communautaire qui était notamment celui des maisons centrales de détention ouvertes sous le Premier Empire, où les détenus couchaient dans de grands dortoirs. La maison d’arrêt de Meaux s’inscrit donc dans le cadre de la réflexion menée sur les principes mêmes de l’incarcération.

Pour en savoir plus : Judith Förstel, « La maison d’arrêt de Meaux », Bulletin de la société historique de Meaux et de sa région, n°9, 2012, p. 63-68.